Cérémonie du 18/01/2015 à Annecy-le-Vieux (article + photos + diaporama).

Cérémonie commémorative du 71ème anniversaire de la mort de Richard Andrès et Léon Bouvard le dimanche 18 janvier 2015 à 11h30 à Annecy-le-Vieux.

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A l’occasion du 71ème anniversaire de la mort de Richard ANDRES et Léon BOUVARD sauvagement assassinés par les forces nazies d’occupation, notre Amicale, jointe à la Municipalité d’Annecy-le-Vieux, a rendu un vibrant hommage à la mémoire de nos deux  héros. Eux qui, dans la fleur de leur jeunesse, ont tout sacrifié pour la Liberté et pour la France.

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Richard ANDRES, fils d’émigré espagnol, Résistant de la première heure, fut le fil conducteur qui permit à chaque Républicain espagnol qui désertait les Camps de Travailleurs Etrangers, de rejoindre les Maquis. Il fut l’un des deux premiers chefs des Résistants espagnols. Sa disparition les choqua profondément. En plus du choc émotionnel, ce fut aussi le désarroi car ANDRES était un chef mais aussi leur interprète et leur lien avec la Résistance Française. Bien sûr ils se ressaisirent vite sous le commandement de Miguel VERA, compagnon de la première heure de Richard ANDRES,  mais cette date restera marquée à jamais dans l’esprit de chaque Résistant.

Richard ANDRES dirigeait le « Service Atterrissage et Parachutage » de l’Armée Secrète pour la Haute-Savoie. Cela fit jouer un rôle de premier ordre aux Résistants espagnols dans l’organisation, la préparation puis la réception des armes parachutées par les Alliés.

Ces Résistants espagnols ont combattu sous l’uniforme du 27ème BCA. Ils ont tissé des liens très forts entre eux et Tom MOREL, lequel leur porta une grande estime. Il avait particulièrement apprécié le fait que ces Résistants très disciplinés et efficaces, avaient emmené sur le Plateau des armes soigneusement entretenues et gardées depuis la dissolution du 27ème BCA le 11 novembre 1942.

La dynamique que Richard ANDRES avait inculquée aux Résistants espagnols, se manifesta dans leur comportement exemplaire et héroïque au Plateau des Glières (rappelons-nous les éloges que Tom MOREL leur fit sur le Plateau), à la libération du département de la Haute-Savoie, de la vallée de la Tarentaise et de la Maurienne.

Léon Bouvard, Résistant français, avait intégré la Résistance dès début en militant dans le mouvement « Le Coq Enchaîné ». Ami de Jean-Marie Saulnier et de Richard Andrès, était un résistant courageux, toujours disponible pour n’importe quelle mission.

Très marqués par ce tragique épisode, les Anciens Résistants espagnols ont toujours eu à cœur la commémoration de cet événement qui représentait pour eux une des marques de leur identité.

Nous, les héritiers des valeurs de la Résistance et passeurs de la mémoire de nos anciens, les Républicains espagnols, devons veiller à qu’ils ne tombent pas dans l’oubli.

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Discours de Miguel Vera, Président de l’Amicale de la Résistance Espagnole en Haute-Savoie :

 

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Monsieur le Député-Maire d’Annecy-le-Vieux

Monsieur le Sous-préfet, Secrétaire Général de la Préfecture

Monsieur le Vice-Président du Conseil Général

Madame la Directrice de l’ONAC

Mon Général, Président de l’Association des Glières

Mon Général, délégué Départemental du Souvenir Français

Mesdames, Messieurs, les Maires et élus des différentes Municipalités

Monsieur le Chef de Service de la Police Municipale d’Annecy-le-Vieux

Messieurs les Présidents des Associations Patriotiques

Messieurs les porte-drapeaux

Mesdames et Messieurs et chers amis.

 

Voici 71 ans, jour pour jour, le 18 janvier 1944 en fin d’après-midi, Richard Andrès et Léon Bouvard sont sauvagement assassinés par les forces d’occupation nazies à cet endroit même où nous nous trouvons.

Hommes du « non », convaincus et déterminés dans la lutte contre le nazisme, ils ont sacrifié leurs vies pour que nous vivions libres.

Nous leur devons la mémoire.

André Malraux nous dit : « La plus belle des sépultures, c’est la mémoire des vivants ».

La mémoire des vivants, nous allons la perpétuer en la transmettant aux générations nouvelles. Cela est maintenant possible avec le CRD74 (Comité haut-savoyard des associations de mémoire de la Résistance et de la Déportation). Ce Comité issu de l’union de toutes les Associations de Résistants et Déportés a révélé son utilité et sa nécessité tout au long de l’année 2014 dans les célébrations du 70ème anniversaire de la Libération de la Haute-Savoie.

Dès le début de l’année, le décor a été planté avec la réalisation de l’exposition « Notre mémoire vivante ». Magnifique exposition qui a eu un énorme succès et a été réclamée par d’innombrables municipalités ou Associations. Cette expo a été financée par le Conseil Général.

Ont suivi les manifestations de nombreuses localités, souvent grandioses (exemple Saint-Gingolph).

En parallèle à ces manifestations, des villages du tour du plateau des Glières ont créé des espaces  qui deviendront lieu de mémoire ou utilisé des espaces existants pour réaliser des stèles explicatives qui font la synthèse des événements vécus localement.

De toutes ces réalisations trop nombreuses pour les commenter ici, je m’arrêterai seulement sur une, celle qui concerne le monument « Aux Espagnols morts pour la Liberté dans les rangs de l’Armée Française et dans la Résistance ». La Municipalité d’Annecy a réalisé un travail remarquable de rénovation autour de ce monument qui lui a rendu de la visibilité, du lustre et lui fait rayonner la symbolique que le sculpteur a voulu nous transmettre.

Une stèle en forme de pupitre identifiant le monument avec du texte et des photos d’époque, décrit le parcours de ces Républicains espagnols combattants de la Liberté, morts pour la France.

La Ville d’Annecy a choisi le 27 mai, jour national dela Résistance, pour l’inauguration de l’ensemble.

Ce 70ème anniversaire a été placé sous le signe de « la transmission de la mémoire de la Résistance aux générations nouvelles ».

Chaque célébration ou inauguration a été accompagnée d’une participation massive de la population scolaire. Nous saluons l’implication résolue du monde enseignant.

Comment évoquer tant d’événements de l’année 2014 sans que nous vienne à l’esprit l’image de cet homme exceptionnel qu’était Julien Helfgott que nous avons perdu le 12 octobre dernier. Son souvenir, ses propos, ses appréciations si judicieuses sur l’être humain, m’envahissent d’une profonde émotion. Son parcours de vie se croise sans cesse avec celui des Résistants espagnols. Déjà à 16 ans quand éclate la guerre d’Espagne, il prend parti pour la cause de la République espagnole. Dans sa vie parisienne, il s’engage dans des mouvements de jeunes pour récolter des fonds pour venir en aide à la jeune République. Combien de fois il m’a raconté sa souffrance et sa déchirure de voir l’Espagne abandonnée par les démocraties européennes. Il vit avec effroi la montée du fascisme, la guerre d’Espagne, prélude à la deuxième guerre mondiale. Les accords de Munich, cause de la non intervention en Espagne et le comble de sa détresse, l’effondrement de la France en juin 1940.

Lors de cette même cérémonie l’année dernière, il nous a fait l’honneur de sa présence et son discours avec des mots sortis du cœur a bien été un témoignage vivant et poignant qui nous a émus en hommage à tous ces Résistants espagnols, ses camarades de lutte dans les Maquis, aux chalets de La Cola, école de cadres pour la Résistance à Manigod, au plateau des Glières. Toutes ses interventions au cours de l’année, nous démontrent sa volonté indéfectible de porter témoignage des valeurs de la Résistance et de les transmettre. Debout, il l’a fait jusqu’à son dernier jour.

Tout comme Julien Helfgott, Richard Andrès et Léon bouvard se sont fortement engagés dans la vie associative dès leur adolescence.

Pour Andrès, dans la biographie que lui a consacrée le comte Jean-François de Roussy de Sâles, on peut lire ce passage : « Richard Andrès place sa vie sous le signe de la Laïcité, de la Fraternité et de la Liberté, vertus éminemment républicaines. Concrète aux œuvres laïques dont le but est de développer des activités éducatives et de loisirs, agissant pour l’égalité des chances. Ainsi il consacre son temps libre à la Fédération des Œuvres Laïques et au Sou des Ecoles. Ces deux associations affirment, dans un grand élan de bénévolat, leur volonté éducative et pédagogique vis-à-vis des enfants qui leur sont confiés ». Fin de citation.

Dans cet état d’esprit, Andrès, suit avec fort intérêt les événements qui se déroulent en Europe en cette année 1939. Par ces origines, il a été très attentif au drame de la guerre d’Espagne. L’analyse des tragédies issues de la coalision fasciste internationale, lui fait percevoir le danger qui va s’abattre sur la France. Il vit avec amertume l’effondrement du pays en juin 1940. La France connaît le plus grand désastre de son histoire. D’un seul coup, il n’y a plus rien, plus d’armée, plus de gouvernement, plus de légitimité.

Dans ce dramatique chaos, dans un contexte de défaite, dans la confusion et la résignation à se soumettre qui régnait parmi les hommes politiques, combien étaient-ils à avoir entendu, à avoir cru et répondu au prophétique appel du général de Gaulle ?

Richard Andrès répond à cet appel. Il s’implique totalement dans l’organisation de la Résistance.

Notre admiration et notre reconnaissance est immense envers ceux qui à une période aussi noire, aussi trouble, ont su se déterminer et choisir le camp de la justice pour le bien de l’humanité.

De ceux-là, une poignée se réunit à l’Auberge du Lyonnais à Annecy. Bien sûr l’aubergiste Jean-Marie Saulnier, son ami Léon Bouvard chauffeur de car à l’entreprise Gruffy, Le coiffeur Richard Andrès, le notaire Georges Volland, l’Inspecteur du travail Pierre Lamy, le syndicaliste Paul Viret, le restaurateur Albert Bell, l’architecte Ernest Neyrinck, Jean Carquex  travailleur à l’usine Staubli, René Noyer agent technique de la société Michelin, Raymond Ventre professeur au lycée Bertholet.

Cet embryon de la Résistance va peu à peu se développer en s’organisant dans les structures des mouvements de Résistance qui vont se créer.

Novembre 1940, mouvement « Liberté » de François de Menthon. Automne 1941 mouvement « Le Coq Enchaîné ». Novembre 1941 mouvement « Combat » de François de Menthon et Henry Frenay. Puis l’organisation de l’Armée Secrète dont le chef historique sera pour la Haute-Savoie Ernest Neyrinck dit Nik.

Dans le cadre du mouvement « Combat », Richard Andrès devient âme, moteur et cheville ouvrière de la Résistance. Il organise les Maquis, reçoit les jeunes réfractaires au STO et surtout il permet aux Espagnols des Compagnies de Travailleurs Étrangers encadrées par la police de Vichy, de déserter ces compagnies et rejoindre le Maquis. Jusqu’au jour où il devient la ligne de mire de la Gestapo. Depuis l’affaire de Saint- Eustache le 31 décembre 1943, sa tête est mise à prix. Il se sait en danger, il a été averti. Il devrait s’effacer pendant quelque temps. Mais il est engagé dans trop d’actions. Chef du SAP (Service Atterrissage Parachutage), il doit assurer les liaisons radio avec Londres, visiter et ravitailler les Maquis espagnols, mettre en relation presque quotidiennement le chef de la mission interalliée (mission Musc). Le Lieutenant-colonel Xavier Heslop avec Romans Petit, chef de l’Armée Secrète, qui, la plus part du temps, est dans l’Ain. Il doit procurer un logement à l’opérateur radio Paul de la mission Musc qui doit changer de lieu régulièrement et ne doit jamais se trouver au même endroit que son chef par mesure de sécurité.

Et comment oublier le serment pacté avec le Leader des Républicains espagnols, Miguel VERA : pas de répit tant que l’envahisseur ne sera pas chassé du sol Français et la République rétablie. Oui ces Espagnols étaient fiers de lutter auprès de leurs camarades français pour libérer le sol de la France, la France pays de Liberté et pays des droits de l’Homme.

Le 18 janvier 1944, le destin réuni pour la dernière fois Richard Andrès et Léon Bouvard. La dénonciation a eu lieu. La Gestapo sait le lieu et l’heure du passage des deux Résistants.

Au milieu de l’après-midi, une Section entière de la Wehrmacht investit le hameau de Sur-les-Bois. Des Allemands, il y en a partout, trente, trente-cinq peut être, raconte un neveu de Monsieur Garnier.  A l’époque l’espace qui est devant nous était occupé par un chalet que la famille Garnier utilisait comme réserve pour les produits d’hiver. Près de ce chalet, Andrée, la fille aînée s’apprête à charrier du bois pour le chauffage. Un officier allemand s’approche d’elle et lui dit : « Rentrez vite, tout à l’heure ici : ‘Boum ! Boum’ ! »

Les deux sœurs Garnier, Andrée 20 ans et Léa 18 ans, vont suivre la scène depuis la fenêtre de leur maison toute proche. Le barrage est installé à l’interception des deux routes. Sur ce virage même, trois fusils mitrailleurs judicieusement disposés pour ne laisser aucune chance à tout véhicule qui s’approche. Il est au tour de 17 H 30 quand la voiture des deux Résistants arrive. Léon Bouvard au volant ne peut voir le barrage qu’une fois engagé dans ce virage. Il tente une manœuvre désespérée en engageant une marche arrière. A cet instant, sans sommation, les fusils mitrailleurs entrent en action tous en même temps. Le vrombissement des armes est terrible. L’écho résonne sur les parois du Parmelan. Les habitants de Sur-les-Bois sont épouvantés. Avant de quitter les lieux, les Allemands dépouillent la voiture.

La nuit est déjà bien avancée quand Monsieur Alphonse Garnier, aidé d’un voisin, posent les corps ensanglantés  sur une charrette et les transportent au local des pompiers, un peu plus haut que l’école. Le lendemain, ils auront une sépulture par les soins de la municipalité d’Annecy-le-Vieux.

Le soir même du crime, Jean-Marie Saulnier en informe Xavier Heslop, chef de la mission Musc. Celui-ci prend les mesures nécessaires au cas où les Allemands auraient trouvé des papiers ou objets compromettants sur le corps de Richard Andrès.

La violence de cette embuscade m’inspire cette réflexion :

Que représentait Richard Andrès pour la Gestapo pour déployer un tel volume de forces juste pour avoir sa tête ? Mettre en œuvre un nombre considérable d’armes de guerre pour abattre deux personnes sans armes dans une voiture.

Mais peut être que le poste émetteur-récepteur qui était dans la voiture était à leurs yeux plus dangereux qu’une arme de guerre. Ça ressemble à une machine à écrire !

Comment ne pas faire le rapprochement avec les crimes barbares commis dans notre pays tout dernièrement contre d’autres qui n’avaient comme arme qu’un crayon.

Nous, héritiers des valeurs de la Résistance, de la République, de la France, affirmons que nous ne cèderons jamais devant aucune forme de Barbarie, ni de fascisme à l’unisson du peuple français, en hommage à nos morts.

Rappelons ce proverbe mexicain qui a été exclamé lors de la marche républicaine à Paris :  « Ils voulaient nous enterrer, ils ne savaient pas que nous étions des graines ! »

 

Toute la cérémonie en diaporama :

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