Pourquoi « Glières » ?

La Résistance s’organise tôt en Haute-Savoie. Plusieurs raisons à cela :

  • Elle se trouve en zone libre jusqu’en novembre 1942.

  • Elle a une frontière avec la Suisse, ce qui lui donne une fenêtre ouverte vers les Alliés.

  • Sa population refuse la collaboration.

  • L’engagement des hommes du 27ème BCA.

  • L’implication des Républicains Espagnols qui désertent les C.T.E. (Compagnies de Travailleurs Etrangers) pour rejoindre les Maquis dès le mois de juin 1942.

  • L’occupation italienne de la mi-novembre 1942 au 8 septembre 1943.

Tout commence à l’Auberge du Lyonnais. Dès 1940, c’est le lieu de rencontre de tous ceux qui refusent la défaite. Là se concertent les leaders syndicaux et politiques, les personnalités civiles, notamment de l’enseignement, de l’administration, des notaires, architectes, etc.

Les mouvements de Résistance s’y implantent comme le « Coq Enchaîné ».

Le comte François de Menthon établit une cellule du Mouvement de Résistance « Combat ».

L’Auberge du Lyonnais est la plaque tournante de la Résistance : distribution de tracts, diffusion de la presse clandestine, etc. La cuisine même sert de salle de réunion.

La Résistance Espagnole fixe son P.C. dans cet établissement le 1er juin 1942 avec l’aide inconditionnelle des aubergistes Jean-Marie et Flora Saulnier.

C’est dans ce contexte que les Résistants Espagnols vont se trouver impliqués dans tous les événements de la Résistance et figurer aussi parmi les premiers soldats de l’Armée Secrète dans le cadre du mouvement « Combat ».

Dès le printemps 1943, avec la création du STO, l’afflux des jeunes Réfractaires vers la Haute-Savoie, crée une situation imprévue. Les anciens officiers du 27e BCA entrés dans la clandestinité prennent le commandement de l’AS en mars 1943. Très vite, ils doivent faire le constat qu’en Haute-Savoie, il y a un nombre important de maquisards mais ils n’ont pas d’armes.

Dans ce contexte, le commandant Vallette d’Osia fait parvenir à Londres au début du mois de septembre 1943, un rapport étayé par l’affirmation qu’en Haute-Savoie, il y a 2500 hommes prêts à se battre, mais ils n’ont pas d’armes.

Ce rapport fait mouche et aussitôt, une mission Interalliée (mission Musc) est envoyée pour vérifier la situation réelle, la capacité des Maquis et évaluer les besoins en armes. En quelques jours, cette mission fait le tour des Maquis et rentre à Londres avec avis favorable.

Immédiatement, elle est de nouveau envoyée en Haute-Savoie, cette fois avec mission d’aider à l’organisation des Maquis et répertorier les sites propices aux parachutages proposés par la Résistance.

Cette Mission est reçue à l’Auberge du Lyonnais où elle devait s’installer mais, pour des raisons de sécurité, Jean-Marie Saulnier la conduit à la pension « Le Mont-Fleuri » à Albigny, tenue par sa mère, madame Cerille Saulnier, lieu plus discret et loin du centre d’Annecy à l’époque.

Après la mort de Jean Moulin (Président du C.N.R. -Comité National de la Résistance) sous la torture, début de juillet 1943, l’Etat-major de la Résistance décide de changer tous les indicatifs concernant les terrains de parachutage par mesure de sécurité.

Dans cette réorganisation, Richard Andrés qui a pris beaucoup d’importance avec les Maquisards Espagnols et leur leader Miguel Vera, est nommé à la tête du Service Atterrissage et Parachutage (SAP).

Ce Service comprend la coordination avec l’Angleterre par message radio.

Richard Andrés a installé son radio émetteur-récepteur à la Pension « Le Mont-Fleuri ». Ainsi, il se trouve aux cotés de la mission interalliée. C’est lui qui conduira cette mission dans les différents Maquis. Il organisera les déplacements du chef de cette mission le Lieutenant-Colonel Richard Heslop dit Xavier, tenant compte des dangers possibles (barrages, contrôles, etc.) des Allemands.

En parallèle du travail de la mission Interalliée, les responsables de l’AS doivent localiser les sites propices aux parachutages. Ces sites doivent être acceptés et homologués par les Alliés.

Il faut préparer ces terrains où seront largués les conteneurs. Il faut assurer leur signalisation à l’aide de balises faites de boîtes contenant du pétrole, en même temps signaler à l’avion par des fumées la direction du vent de terre et sa force. Tous les détails doivent être prévus : lorsque les parachutes arriveront au sol, comment couper rapidement les cordons des corolles, puis dégager les conteneurs pesant plus de 150 kilos? Comment les transporter en lieu sûr à l’aide de brancards et effacer toutes traces avant l’arrivée des forces de police?

Six sites sont ainsi identifiés à la fin de janvier 1944.

Enfin, le 27 janvier 1944, Churchill annonce : « j’ai décidé d’armer les Résistants patriotes haut-savoyards ». C’est la nouvelle tant attendue. C’est l’euphorie chez les responsables de la Résistance. Mais deux jours après, c’est la consternation. La Haute-Savoie va être mise en état de siège. Des affiches sortent des imprimeries, des quatre coins de France partent des trains vers la Haute-Savoie bourrés de miliciens.

La plupart des terrains retenus pour réceptionner les parachutages sont accessibles en véhicules à moteur (le Semnoz, le Plateau du Beauregard, Le Col d’Evire, L’Anglette au Parmelan, etc.). La Haute-Savoie envahie par les forces de police de Vichy, les armes vont tomber entre leurs mains.

Réunion de crise à l’Etat-major de la résistance le 30 janvier, Tom Morel et Miguel Vera participent à la réunion. Question : « Qu’est-ce qu’on fait ? Nous réclamons avec insistance des armes aux Alliés depuis quatre mois. Maintenant qu’on nous les accorde, peut-on leur dire : Non, attendez, on doit se réorganiser ? ». Puisque réceptionner les armes sur les terrains prévus devient risqué, il faut choisir un lieu difficile d’accès. C’est là qu’est lancé le nom : le Plateau des Glières. Une discussion houleuse s’engage. Glières est difficile d’accès pour les forces de police, mais pour nous aussi. Un groupe de 25 ou 30 hommes ne peut pas monter dans la nuit, réceptionner les armes et les descendre avant le jour comme c’était prévu dans les autres terrains. Aux Glières, il faut s’installer, tout réorganiser. Il faudra aussi beaucoup plus d’hommes. Là, se pose le problème de l’esprit d’un Maquis. Un Maquis ne doit pas avoir une forte concentration d’hommes. Il doit être mobile et pouvoir se déplacer rapidement.

Enfin un compromis est trouvé. Ce ne sera pas 30 hommes ni 600, comme suggéré par Cantinier, mais 120 hommes qui suffiront.

Sur le champ, Romans Petit, chef de l’Armée Secrète, nomme Tom Morel chef de tous les Maquis de la Haute-Savoie avec mission de monter aux Glières pour réceptionner les armes promises par les Alliés à la pleine lune de février.

Romans Petit demande immédiatement aux Alliés de concentrer tous les parachutages d’armes sur le Plateau des Glières. Ce site avait déjà été accepté et homologué par les Alliés.

Voilà comment est né « Glières ».